L’aide humanitaire
fabrique-t-elle des assistés ? Pas facile de répondre ! Pourtant, il existe une
manière de pratiquer l’aide au développement qui responsabilise ceux qui en
bénéficient !
1 - Pourquoi
peut-on confondre assistance et aide au développement ?
2 - Peut-on
aider quelqu’un sans en faire un assisté et en respectant sa dignité ?
3 - Aide au
développement ou assistance : faut-il choisir ?
1.Pourquoi peut-on confondre assistance et aide au
développement ?
a.Parce que dans les deux cas, il s’agit d’aide !
Toutes les
actions humanitaires, qu'elles soient de solidarité internationale ou de
développement, comportent un aspect d’aide. Cela peut être par exemple :
- une aide matérielle (envoyer de la nourriture ou des vêtements sur le
lieu d’une catastrophe)
- une aide en personnel humanitaire (envoyer des infirmiers pour
soigner des blessés)
- une aide financière (envoyer de l’argent pour financer un projet)
- une aide à caractère politique (intervenir auprès des autorités pour
changer une situation d’injustice)
Dans tous les cas, il faut que des gens se mobilisent pour donner
(biens, temps, argent, etc.). L’aide peut libérer les bénéficiaires… ou les
rendre dépendants.
b.Parce que certaines formes d’aide humanitaire
peuvent rendre les populations dépendantes
Un bon test
sera le suivant : que se passe-t-il une fois que le projet est fini ? «
Regardez ce qui se passe quand un travailleur social s’en va ou qu’un projet
arrive à son terme. Si nous sommes en situation d’assistance, l’œuvre s’arrête
au sein de la communauté. Une pompe à eau, par exemple, pourra servir à puiser
de l’eau, mais seulement jusqu’à ce qu’elle tombe en panne ou jusqu’à l’épuisement
de la nappe phréatique. » (Tim Chester, La responsabilité des chrétiens face à
la pauvreté, p.176)
2.Peut-on aider quelqu’un sans en faire un assisté
et en respectant sa dignité ? Oui !
a.En changeant notre regard sur les personnes
pauvres
Notre regard
sur les personnes pauvres détermine la façon dont nous agissons à leur égard.
Pensons-nous
que les pauvres ne pourront jamais s’en sortir ? Dans ce cas, nous allons en
faire des assistés et décider à leur place de quoi ils ont besoin.
La Bible nous
apprend que tous les êtres humains sont créés comme « images de Dieu » (Genèse
1.26-27). Cet enseignement avait quelque chose de révolutionnaire pour les
peuples voisins d’Israël. On pouvait concevoir que le roi soit l’image de la
divinité. Mais la Bible dit que cela est vrai de tout homme et de toute femme.
Cela veut dire que c’est aussi vrai du pauvre, de l’étranger et de celui que je
n’aime pas. Cette parole de l’Ecriture devrait changer mon regard sur tous ceux
que je rencontre.
Fondamentalement,
tous les humains ont la même dignité parce qu’ils sont images de Dieu. Il n’y a
pas d’être humain qui serait inférieur et n’aurait rien à donner ou d’être
humain qui serait supérieur et qui n’aurait besoin de personne.
b.En encourageant la responsabilisation des
personnes aidées
Parmi les
recommandations qui entourent le commandement « Tu aimeras ton prochain comme
toi-même », on trouve un passage très intéressant : « Quand vous ferez la
moisson dans votre pays, tu laisseras un coin de ton champ sans le moissonner
et tu ne ramasseras pas ce qui reste à glaner. Tu ne cueilleras pas non plus
les grappes restées dans ta vigne, et tu ne ramasseras pas les grains qui en
seront tombés. Tu abandonneras cela au malheureux et à l’immigrant. Je suis
l’Eternel, votre Dieu. » (Lévitique 19.9-10)
Ce texte
permet d'établir une distinction entre la simple assistance et l’aide au
développement, ainsi que le lien entre les deux :
i.Il s’agit bien de solidarité et même d’aide.
Dieu ordonne solennellement à son peuple de laisser une partie de son champ et
de sa vigne pour le malheureux et l’immigrant. C’est une forme de don.
ii.Il
s’agit en même temps d’une forme d’aide qui responsabilise celui qui la reçoit.
C’est le pauvre qui va ramasser lui-même le produit des champs ou de la vigne.
Ce qu’il obtiendra dépendra du travail qu’il aura fourni. Le livre de Ruth
illustre la mise en œuvre de cette disposition. Le pauvre ainsi aidé ne
devenait pas ce que nous appelons un « assisté ».
c.En reconnaissant les potentialités des personnes
aidées
Responsabiliser
les personnes que nous aidons, c’est reconnaître qu’elles sont capables de
faire quelque chose pour sortir de la pauvreté. Elles ont des potentialités
qu’il faut mettre en valeur. Cela peut prendre plusieurs formes :
i.Il est préférable que la population locale
s’approprie le projet humanitaire (qu’il ne lui soit pas imposé de
l’extérieur). Il vaut même mieux que l’initiative du projet vienne de la
population plutôt que d’une ONG étrangère.
ii.Travailler avec des personnes du pays, plutôt
qu’avec des expatriés, est souvent un bon moyen de responsabiliser et de
reconnaître les potentialités des personnes aidées. Dans les pays en
développement, il y a une grande richesse en ressources humaines dans les
Églises et dans les associations locales.
3-Aide au développement ou
assistance : faut-il choisir ?
a.Aide au développement et assistance sont toutes
deux nécessaires
L’aide au
développement n’exclut pas l’assistance. Ni l’inverse. Tout dépend des
situations.
a.Dans le cas d’une catastrophe humanitaire
(tremblement de terre, tsunami, guerre), il faut faire de l’assistance :
distribuer gratuitement de la nourriture, des tentes, etc.
b.Dans le cas de personnes particulièrement
fragiles (les enfants en bas âge par exemple), l’assistance est nécessaire.
On peut dire
que dans certaines situations, vouloir faire tout de suite de l’aide au
développement, c’est être trop pressé. Dans d’autres situations, se contenter
de l’assistance, c’est maintenir les personnes aidées dans une dépendance
malsaine.
b.Le but de l’aide doit toujours être de se rendre
elle-même inutile
Que ce soit de
l’assistance ou de l’aide au développement, l’aide devrait avoir pour but de se
rendre inutile. Dans le domaine humanitaire les questions suivantes devraient
se poser :
a.Comment cette aide encourage-t-elle celui qui la
reçoit à devenir autonome ? Le micro-crédit par exemple a pour but de permettre
à une personne pauvre de se lancer dans une activité générant des revenus :
l’argent remboursé sert à faire d’autres prêts à des personnes en ayant besoin.
b.Le projet pourra-t-il un jour tourner sans aide
extérieure ?
c.Le projet encourage-t-il les personnes aidées à
retrouver dignité et confiance en elles ?
c.Les valeurs fondamentales qui guident le
chrétien sont la solidarité et l’amour : « Tout ce que vous voulez que les
hommes fassent pour vous, vous aussi, faites-le de même pour eux, car c’est la
loi et les prophètes. » (Matthieu 7.12) Cette « règle d’or » comme on l’appelle
parfois, résume les valeurs fondamentales qui guident le chrétien dans son
action : la solidarité (et même l’identification à son prochain) et l’amour.
Qu’est-ce que je voudrais que
l’on fasse pour moi si j’étais dans le besoin ? Je voudrais que l’on m’aide
sans doute. Mais je voudrais aussi que l’on me relève pour que je puisse
marcher tout seul.
Daniel Hillion - S.E.L. : reproduction avec autorisation